Master en commerce / Portrait Thierry Oldak

Par Agnès Bergon | Octobre 2020 | La Gazette du Midi

Thierry Oldak. À la tête de la holding éponyme, spécialisée dans l’acquisition d’immobilier commercial de coeur de ville, il vient de
réaliser deux importantes levées de fonds qui devraient lui permettre de doubler son portefeuille d’ici cinq ans.
Pour vivre heureux, vivons cachés. Thierry Oldak a longtemps fait sienne cette maxime. Moins par goût du secret que par excès d’humilité. Car à 56 ans, le patron du groupe éponyme règne sur un empire immobilier, constitué de locaux commerciaux situés dans des emplacements « prime » des coeurs de ville des plus grosses agglomérations françaises, loués à de grandes enseignes nationales. Soit près de 90 000 m2 représentant 200 M€ d’actifs qui génèrent bon an mal an près de 10M€ de loyers. Un groupe qui ambitionne de doubler son portefeuille d’ici cinq ans et qui vient pour ce faire de boucler deux levées de fonds. Soit 132 M€ au total qui permettront à GTO, qui emploie aujourd’hui 12 salariés, de poursuivre son développement dans les villes où la foncière est déjà implantée et d’en conquérir de nouvelles. Du moins était-ce la feuille de route du groupe avant le 17mars. Depuis, la pandémie de Covid-19 et les deux mois de confinement ont un peu rebattu les cartes. « La Covid 19 est une vraie crise économique parce que le confinement a écrasé financièrement la plupart des gens, et a rendu nos relations avec nos locataires plus compliquées. Bien sûr qu’on s’en remettra », assure Thierry Oldak avant de nuancer : «Même si nous ne sommes pas fragilisés, nous avons un peu de stress. Notamment, on se demande de quoi l’avenir sera fait ». Le patron de GTO évoque des actifs aujourd’hui vides : les locaux du Shanghai, une ancienne boîte de nuit, située rue de la Pomme, qui, rénovée, développera 800m2 sur plusieurs niveaux et deux magasins place Wilson. «Nous les avions quasiment remplis par des accords avec des enseignes en début d’année mais la Covid-19 a tout fait voler en éclat. » C’est l’acquisition des murs du Bibent en 1998, qui a mis sous le feu des projecteurs ce Toulousain de naissance. Fils de commerçants de la rue Saint-Rome, il a toute sa jeunesse «baigné dans le commerce, les inventaires et le calcul des marges. » Pas au point de lui donner envie de marcher dans les pas de son père. Sa vocation est tout autre: il rêve de faire médecine. Après ses années de lycée à Fermat, il intègre la fac de Purpan, réussit le concours… et arrête ses études entre la deuxième et la troisième année. «Pour plein de raisons, se justifie-t-il. D’abord parce que je voulais travailler, me marier, être autonome financièrement… En fait je ne saurais pas vous dire pourquoi…
Pendant deux ans, j’ai mis toute mon énergie dans le fait d’avoir le concours. À l’époque, il y avait 1000 candidats pour 80 places, un peu comme aujourd’hui. Et le fait de l’avoir eu, c’était moins amusant. Je me suis ennuyé. Ça ne me nourrissait plus. Tout ceci inconsciemment, parce que, quand on a 21 ans, on a du mal à décrire le mal-être. Mais ce qui est certain, c’est que cela ne m’allait pas. Donc j’ai changé de voie. » Pour faire quoi ? «Pendant deux ans, j’ai fait du commercial pur et dur, sans but, au défi, pour m’amuser. Il fallait partir deux jours à Lyon, trois jours à Lille, etc. C’était très agréable. Et puis au bout de deux ans, je me suis dit qu’il fallait quand même que je me pose au lieu de faire n’importe quoi. J’ai travaillé avec mon père dans l’un de ses magasins et puis j’ai intégré en 1989 un cabinet de rapprochement d’entreprises qui travaillait beaucoup sur le financement de ses opérations. De fil en aiguille, j’ai acquis une véritable expertise dans le domaine. J’ai forcément touché à l’immobilier comme conseil. Bref, tout cela vous amène au moment où vous vous dites : “on se lance!” » En 1998, avec son épouse, devenue pharmacienne, avec laquelle il a eu quatre enfants, il achète un premier actif. « Un premier bien immobilier qu’on revend avec un petit peu de marge. On se dit alors que c’est possible. On se lance alors dans un projet un peu plus gros… La suite, c’est beaucoup de travail… et beaucoup de chance. » Le marchand de bien se constitue au fil du temps sa petite pelote qui grossit, grossit. « Certes la foncière est importante, mais il ne faut pas se tromper: nous sommes riches de nos emprunts ! », corrige-t-il. 
Aujourd’hui, Thierry Oldak s’est spécialisé dans le rachat de murs commerciaux extrêmement bien situés. Une leçon tirée de son éducation de fils de commerçant qui lui a forgé une solide « culture du commerce, du challenge, une connaissance de la clientèle de coeur de ville », et inculqué cette règle: « l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement ! » Et « ça n’est pas une légende, affirme-t-il. Regardez cette période de Covid-19 absolument incroyable, et l’allure à laquelle les actifs se sont vidés un peu partout en périphérie alors qu’il y a encore une vie en coeur de ville, même si elle est contrainte et restreinte. » Après le Bibent, c’est le Harry’s bar qui tombe dans son escarcelle, transformée en une jolie boutique, puis d’anciens locaux du conseil des prud’hommes rue des Arts, ceux du rectorat, avenue Achille Viadieu, etc. Il met aussi un pied à Nantes, Avignon, Rouen, Metz et Bordeaux surtout, où il imagine notamment la magnifique promenade Sainte-Catherine, soit 22 000m2 de commerces, « un centre commercial à ciel ouvert » qu’il réalise avec un partenaire, Redevco, aujourd’hui propriétaire. 
Depuis 20 ans qu’il réalise ce genre d’opérations, l’homme a développé un véritable flair, se décide en quelques minutes et essaie de penser comme l’architecte des Bâtiments de France. De fait, les actifs qu’il acquiert lui réservent parfois de belles surprises. Tel l’immeuble de la rue du Poids de l’huile, qui abrite aujourd’hui la boutique Uniqlo, où  il a dépensé 200 K€ pour mettre en valeur un vestige du rempart de la Toulouse antique, découvert dans les sous-sols et le rendre accessible au public. Beaucoup de ces espaces commerciaux portent ce qu’il faut bien appeler sa marque de fabrique: «une grande entrée avec de grandes arches, avec un bel espace à l’intérieur où les gens peuvent respirer, une trémie centrale, des escalators pour desservir l’étage, bref l’image d’un grand magasin…» Dans lequel il imagine très facilement le locataire. Quoi que: depuis la pandémie, « je ne suis plus sûr de rien, parce que les enseignes bougent. Les marques traditionnelles attendent de voir, mais de nouvelles enseignes émergent qui, avant, n’avaient pas accès à ces emplacements prime. Ces nouvelles enseignes cherchent cependant des locaux dans des endroits assez surprenants. Il est plus difficile aujourd’hui de dire, comme je pouvais le faire avant, quel type d’enseigne
va aller à tel endroit. » Malgré la crise et malgré la concurrence d’internet, le patron de GTO ne croit pas du tout à la fin du commerce de proximité. « C’est impossible. En revanche, je ne crois plus aux centres commerciaux comme on les a connus parce que ce sont des endroits fermés. Il faut y aller, il y a du monde, etc. Aujourd’hui les gens ont besoin de respirer. Je crois au contraire au coeur de ville, parce que c’est un lieu de rencontres, un lieu de vie où les gens bougent. » Alors que ses enfants ont choisi des voies bien différentes, le patron de GTO ne se pose pas vraiment la question de la transmission. «Ce n’est pas quelque chose qui me perturbe. Je vis l’instant. Mais si les années qui arrivent deviennent compliquées, je peux arbitrer le groupe avant. La foncière est extrêmement lisible commercialement: elle est exclusivement centrée sur le coeur de ville et sur le prime des triangles d’or des villes de plus de 100000 habitants. Pour les fonds, pour tous ceux qui veulent faire du rendement, c’est une valeur sûre. Il se pourrait qu’un jour, un groupe immobilier me fasse une offre et que j’y réfléchisse, mais ce n’est pas d’actualité. Je pense qu’il y a encore matière à développer, j’en ai encore envie », conclut-il.
Agnès Bergon

1964
Naissance à Toulouse
1985
Réussit le concours d’entrée en
médecine
1989
Intègre un cabinet de conseil en
rapprochement d’entreprises
1998
Fait sa première acquisition
immobilière
1999
Fondation du groupe Thierry Oldak
2020
Boucle deux levées de fonds
de 132 M€