Toulouse. Commerces en berne, projets de nouvelles enseignes… les effets de la crise en centre-ville

Par Hugues-Olivier Dumez Publié le 7 Juil 20 à 18:02 / ACTU TOULOUSE

Propriétaire des murs du Bibent et d’Uniqlo, Thierry Oldak investit depuis des années en centre-ville. Il revient sur les conséquences de la crise du coronavirus à Toulouse.

Nouvelles enseignes, projets immobiliers, conséquences du coronavirus… Dans un entretien à Actu ToulouseThierry Oldak revient sur ces derniers mois de crise sanitaire pour le commerce en centre-ville.

Bibent, Uniqlo…

Notamment propriétaire des murs du Bibent et d’Uniqlo, dans la Ville rose, le Toulousain est à la tête du Groupe Thierry Oldak (GTO). Basé à Toulouse, le groupe emploie 10 salariés et comptabilise près de 88 000 m2 d’opérations immobilières dans les principales agglomérations de France.µ

GTO est présent dans la Ville rose, mais aussi à Bordeaux, Avignon, Nantes, Rouen et Metz. Valorisé à plus de 200 millions d’euros, ce groupe immobilier ambitionne de doubler son portefeuille d’ici 5 ans grâce à deux levées de fonds d’un total de 132 millions d’euros.

Sans langue de bois, Thierry Oldak revient sur cette année 2020 très compliquée. Doté d’une fine connaissance du marché toulousain, il se risque à quelques perspectives optimistes pour le futur… Interview.

Actu Toulouse. Les mois de confinement ont été terribles pour de nombreux commerçants. Des enseignes locataires ont-elles arrêté de vous verser des loyers ?

Thierry Oldak : « À l’exception des commerces de première nécessité qui pouvaient ouvrir, les enseignes locataires ont arrêté de payer les loyers pendant cette période. Le premier trimestre avait été payé, le deuxième devait être réglé au 1er avril. Nous avions proposé aux enseignes de décaler dans le temps le paiement du loyer sur 12 mois, 14 mois, voire 18 mois. Depuis juin, les commerces peuvent aussi nous payer mensuellement, afin de lisser les charges. Mais certaines enseignes s’estiment protégées par les textes de loi et refusent aujourd’hui de payer les loyers dus ».

Des négociations en cours

Quel est le manque à gagner ?

T.O. : « C’est 25 % de loyers en moins, cela représente environ 2 millions d’euros. Avec plusieurs commerces, nous allons pouvoir nous arranger. Une négociation est possible pour les enseignes, par exemple, avec qui nous avons déjà des encours. Sur les deux mois de fermeture, nous proposons de faire moitié-moitié. Je pense obtenir un accord pour 50 % des impayés. Concernant les autres, cela sera un peu la bagarre ».

Envisagez-vous des procédures devant les tribunaux  ?

T.O. : « À moins que les enseignes en question formulent des propositions acceptables ! Le fait de dire, c’est pour votre pomme, on ne vous payera rien, ce n’est pas possible… Nous procéderons au cas par cas, en fonction aussi de l’historique de chacun. Il y a des locataires qui me payent très difficilement les loyers, qu’il faut relancer une dizaine de fois… Pour eux, il me sera difficile d’être copain copain ».

Le dossier du Shanghai, en stand-by

Des enseignes ont-elles renoncé à leur projet d’ouverture sur Toulouse en raison de la crise sanitaire ? 

T.O. : « Des dossiers comme celui de l’immeuble du Shanghai, rue de la Pomme, traînent… Place Wilson, nous avons une enseigne de cosmétique qui devait s’implanter. Nous avions un accord. Elle attend finalement de voir comment les choses vont évoluer à la rentrée. Les baux que nous devions signer en mars le seront en septembre. Nous aurons perdu plusieurs mois ».

Selon une enquête de la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) de Toulouse, menée du 19 au 25 mai 2020, 19% des commerces avaient déjà retrouvé un niveau quasi-normal de chiffre d’affaires et 48% avaient retrouvé la moitié de leur chiffre d’affaires habituel. Peut-on parler d’une reprise d’activité à Toulouse ? 

T.O. : « Très honnêtement, je ne retrouve pas cela du tout. Les grandes enseignes avec qui je travaille connaissent une baisse de chiffre d’affaires de 40 %. Il y a du monde dans les rues, mais les contraintes sanitaires dans les magasins sont importantes : vous avez la queue devant la porte, il faut mettre le masque, le nombre de personnes à l’intérieur est limité… Au Bibent, par exemple, nous subissons une baisse de chiffre d’affaires de 35 % ».

« Des commerces ne survivront pas à la crise »

Avez-vous des projets d’acquisition d’immeubles dans la Ville rose ?

T.O. : « Je suis aujourd’hui sur plusieurs dossiers, que j’espère pouvoir conclure assez vite. Je me suis intéressé à l’immeuble BNP Paribas de la rue d’Alsace-Lorraine. C’était très cher, et il y avait une incertitude liée aux élections municipales. Finalement, je ne me suis pas positionné. En dehors de toute considération politique, un changement d’équipe municipale n’est pas sans conséquence sur des dossiers lourds comme celui-ci. Je pense au Bibent qui a été une verrue sur la place du Capitole pendant deux ans. Il m’avait fallu douze mois rien que pour avoir le permis de construire. Concernant l’immeuble Flunch, allée Jean Jaurès, les propriétaires ne veulent a priori pas vendre. En revanche, nous avons le projet de résidence senior, environ 4500 m2, dans l’immeuble du Bazacle ».

La crise a accéléré l’essor du commerce en ligne. Croyez-vous toujours aux magasins physiques ?

T.O. : « Je suis un grand fan du magasin en centre-ville ! Il y a un vrai marché. Regardez après deux mois de confinement, les gens avaient besoin de sortir, de pouvoir flâner dans les rues de Toulouse… Les rues sont bondées le samedi. Un remaniement au sein des commerces devrait se produire, avec la disparition de commerces qui ne survivront pas à la crise. D’autres vont émerger. En juin, j’ai vu une dizaine d’enseignes – que je ne connaissais pas pour la plupart – venir se renseigner, visiter et nous faire des propositions. Ces enseignes veulent être en cœur de ville ».